Depuis son lancement il y a plus de deux ans, je n’avais pas encore eu l’occasion de tester Autolib’, le service d’autopartage implanté en Île-de-France et dont la flotte est exclusivement constituée de Bluecar, ces petites citadines électriques qui ont désormais envahi notre quotidien… Mieux vaut tard que jamais !
Passage quasi obligatoire pour le conducteur parisien que je suis, j’ai enfin eu l’occasion d’un déplacement en Île-de-France pour essayer cette fameuse Bolloré Bluecar avec mon amie Mélanie, qui fait justement partie de la cible d’Autolib’ : en effet, le service s’adresse entre autres aux jeunes conducteurs franciliens, nombreux à ne pas posséder de voiture et n’ayant parfois même jamais repris le volant depuis l’obtention de leur permis…
La location est en effet ouverte à tous, contrairement aux loueurs traditionnels qui exigent un minimum de 2 voire 3 ans de permis (certains appliquent même de lourds suppléments « jeune conducteur » pour les dissuader) : pour s’abonner à Autolib’, il suffit d’avoir au minimum 18 ans et un permis de conduire valide.
Autolib’ : présentation du service
Autolib’ est le nom du service d’autopartage qui a été lancé en décembre 2011 à Paris et en Île-de-France. A ce jour, il compte plus de 2 000 voitures en service (qui ont parcouru plus de 12 000 000 de kilomètres !), plus de 840 stations comptant au total 4 300 bornes de recharge, et plus de 43 000 abonnés actifs, toutes formules confondues. Autolib’ continue son expansion en région parisienne, avec l’ouverture régulière de nouvelles stations : à terme, 3 000 véhicules seront proposés dans environ 1 100 stations. Autolib’ existe aussi dans d’autres métropoles sous des noms différents : « BlueLy » à Lyon, « BlueCUB » à Bordeaux, et même depuis cette semaine « BlueIndy » à Indianapolis aux Etats-Unis ! Bolloré espère également exporter son dispositif d’auto-partage à Londres d’ici l’année prochaine.
La voiture commune à tous ces services est la Bluecar de Bolloré, une petite citadine électrique pas très sexy et, c’est assez surprenant, conçue en collaboration avec Pininfarina, le célèbre carrossier à qui l’on doit de bien belles autos, parmi lesquelles : de nombreuses Ferrari (Testarossa, F430, California…), Lancia, Fiat, le coupé-cabriolet Volvo C70, des françaises comme les Peugeot 504, 405, 306 Cabriolet, 406 Coupé, 1007… et désormais cette Bluecar, qui est à mon avis loin d’être valorisante pour l’image de la maison italienne !
La Bolloré Bluecar est également disponible à la vente aux particuliers et professionnels, dans une teinte bleu foncée un peu moins austère, au tarif de 19 000 € TTC (auquel nous pouvons déduire un bonus écologique assez important, qui est de 7 000 € à ce jour). Comptez également un forfait obligatoire de location de la batterie à 80 €/mois, qui inclut son assurance et son entretien de manière illimitée par Bolloré, ainsi que son remplacement sans frais à partir de 400 000 km.
A ce jour, Autolib’ est présent un peu partout à Paris et sa proche banlieue (92, 93 et 94), ainsi que quelques stations autour de Yerres (91) et à Enghien-les-Bains (95). À l’instar de Vélib’ dont Autolib’ s’inspire, de nombreuses places de stationnement ont été réquisitionnées afin d’implanter les stations et leurs bornes de charge. Ces dernières sont également accessibles aux autres véhicules électriques (des places supplémentaires leur sont dédiées dans certaines stations), moyennant un abonnement de 15 €/an et un tarif horaire de 1 €, qui vous permettront de recharger un véhicule tel que les Nissan Leaf, Opel Ampera, Toyota Prius Plug-in et autres Renault ZE.
Le service Autolib’ s’adresse aux personnes ayant des besoins ponctuels de déplacement en Île-de-France, et possède l’avantage de pouvoir disposer d’un véhicule à tout moment, et de pouvoir le restituer à destination dans n’importe quelle autre station. Un système de réservation permet d’ailleurs de s’assurer d’avoir une voiture disponible à la station choisie, et surtout d’avoir une place disponible à son arrivée, chose pas toujours aisée en voiture à Paris (pour ne pas dire impossible) !
Combien ça coûte ? Les tarifs d’Autolib’ !
L’utilisation du service Autolib’ est soumise à abonnement, ainsi qu’à une facturation de l’usage à la minute, dont le coût est dégressif en fonction de l’abonnement choisi. Voici un tableau récapitulatif des tarifs d’Autolib :
Pour s’abonner à Autolib’, il suffit de se rendre dans l’un des espaces d’abonnement, qui sont des sortes de maisons rondes faites d’aluminium et de verre. Première épreuve : on y meurt particulièrement de chaud en plein soleil…
A l’intérieur, une borne munie d’une webcam vous offre la possibilité d’appeler un téléconseiller, basé au siège d’Autolib’ à Vaucresson (92). Il suffit alors de créer un compte client, de scanner son permis, sa carte d’identité et de laisser l’empreinte de sa carte bancaire pour obtenir une carte d’abonnement Autolib’, le sésame qui vous permettra d’utiliser le service. En théorie, cela prendrait 20 minutes maximum…
Selon Autolib’, leur plateforme d’appel est joignable 24h/24, 7 jours sur 7. En pratique, un dimanche matin, c’est un peu plus délicat ! Après un bon quart d’heure d’attente où il était impossible de joindre le service client, nous avons laissé tomber. Heureusement, Mélanie avait déjà son abonnement, qu’il est également possible de souscrire sur le site internet d’Autolib’ !
Autolib’ : premières impressions
Cela fait plus de deux ans que les Bluecar ont envahi l’Île de France, et pourtant, je n’arrive toujours pas à m’y faire… En effet, je ne crois pas avoir revu de voiture au design aussi disgracieux depuis le Fiat Multipla ! La plupart des visiteurs (provinciaux ou étrangers) que j’ai eu l’occasion d’interroger la trouvent aussi particulièrement laide, et ne comprennent pas ce choix pour l’image de Paris… Dommage, quand on sait que par exemple, le service Auto Bleue à Nice utilise des Renault Zoé et des Peugeot iOn, bien plus jolies !
A l’extérieur, on découvre une carrosserie en tôle sans peinture (astuce pour que les rayures et coups de portières soient moins visibles), ainsi que des pare chocs rivetés en plastique gris, qui ne sont même pas de la même teinte que le reste… La voiture est courte (3,65 m de long) mais assez haute (1,61 m de haut), et possède des surfaces vitrées assez petites pour une citadine : l’ensemble lui donne des proportions peu harmonieuses… A l’arrière, la lunette en verre fait également office de volet de coffre.
Au premier coup d’œil, on se rend compte que la voiture est particulièrement sale, et équipée des options « déjections de pigeon » et « pas de lavage depuis des semaines »… Les rayures sont omniprésentes partout sur la voiture, et particulièrement sur les enjoliveurs, qui ont un design tout ce qu’il y a de plus banal : l’un d’entre eux a d’ailleurs disparu sur notre véhicule du jour.
A l’intérieur, l’habitacle empeste la cigarette, et est également particulièrement sale et dégradé : la moquette est carrément trouée au niveau du talon devant la pédale d’accélérateur ! Outre le volant de la Lancia Ypsilon II rebadgé, on y découvre un intérieur peu chaleureux bien que plutôt spacieux, qui comporte 4 places aux sièges recouverts de skaï gris, pas beaucoup de rangements, pas de climatisation, un airbag conducteur uniquement… Les matériaux et finitions sont sommaires, et à mon avis indignes d’une voiture des années 2010, avec notamment cette planche de bord mariant du tissu et du plastique bas de gamme, ou encore ces pare-soleils souples. Bonne surprise : la voiture dispose de deux vitres électriques séquentielles, ainsi que de rétroviseurs réglables électriquement, ouf !
A l’arrière, on retrouve une banquette arrière désespérément fixe, ainsi qu’un coffre assez petit mais largement suffisant pour un usage urbain. La partie droite du coffre, plus haute, semble abriter la batterie LMP (lithium métal polymère), mais il est impossible d’accéder aux parties « techniques » de la voiture pour le vérifier. Il n’est d’ailleurs pas possible d’ouvrir le coffre de l’extérieur : il vous faudra pour cela actionner une poignée située sous le siège conducteur pour le déverrouiller, pas très pratique !
Fait assez rare et plutôt curieux : cet exemplaire était équipé de plaques d’immatriculation en plexi, fournies par… Peugeot ! Le texte figurant en bas de la plaque a en revanche été découpé. Comme pour les autres Autolib’, le département choisi est celui du Finistère, avec son drapeau breton.
L’essai d’Autolib’ à Paris et en région parisienne
Pour louer une Autolib’, il faut tout d’abord s’identifier à la borne de la station, en présentant sa carte d’abonnement et en tapant son code PIN. L’écran tactile de la borne est à ce propos assez capricieux : il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour pouvoir saisir son code sans faire d’erreurs.
Après avoir certifié qu’on ne s’apprête pas à conduire sans permis, sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, l’écran indique le numéro de la voiture qui nous est attribué : il suffit alors de badger devant le lecteur (situé au niveau du rétroviseur conducteur) pour déverrouiller la voiture, puis de la débrancher, d’enrouler le câble dans son logement et de refermer le capot de la borne.
Au moment de mettre le contact, avec la petite clé attachée sous le volant, l’écran tactile de la voiture nous propose de visualiser une vidéo de présentation et de « mode d’emploi » du service. Une fois la voiture démarrée dans le plus grand des silences, avec un bip qui nous indique que la voiture est bien prête à rouler, il suffit de desserrer le frein à main et de placer le levier en position « D ». Nous voilà donc partis pour un périple assez insolite pour une Autolib’ : direction IKEA, à Plaisir dans les Yvelines, à 40 km de Paris !
En ville, j’ai été agréablement surpris par le comportement de la voiture : sa direction est souple et légère, et elle se révèle assez agile et maniable pour les manœuvres et pour évoluer dans les petites rues. La Bluecar est assez silencieuse, mais devient bruyante lors de fortes accélérations, qui s’avèrent assez vives en dessous de 50 km/h. Comme sur une voiture équipée d’une boîte automatique, l’absence d’embrayage est un régal pour la conduite en ville. Les sièges et les suspensions sont assez fermes, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’une petite citadine d’appoint ! La visibilité arrière est en revanche très mauvaise, que ce soit dans les rétroviseurs tout petits ou en vision directe vers l’arrière, où les angles morts sont bien trop importants : il est en effet assez laborieux d’effectuer un stationnement (ce qui expliquerait les nombreuses rayures autour de la voiture), mais ce problème peut surtout s’avérer dangereux lors de la circulation, pour détecter un deux-roues qui se trouverait précisément dans ces angles morts par exemple…
En sortant de Paris, direction la N118 où la voiture se révèle assez à l’aise en côte et jusqu’à 70 km/h. Au delà, on sent qu’elle s’essouffle petit à petit et que l’accélération est un peu plus laborieuse… Qu’à cela ne tienne ! Au niveau de Vélizy, nous nous engageons courageusement sur l’A86, sur une portion limitée à 110 km/h : c’est précisément la vitesse maximale annoncée pour la Bluecar ! A ce moment-là, elle ne s’avère plus du tout silencieuse : pied au plancher pour tenter de m’insérer sur l’autoroute, le bruit du moteur électrique présent dans l’habitacle est si fort et les bruits aérodynamiques tellement présents, que j’ai l’impression de faire décoller un avion… Bloqué à 110 km/h, je tente quelques timides dépassements tout en m’assurant de notre sécurité (sans ESP ni d’ABS à bord, mais surtout avec un seul et unique airbag, cela calme tout de suite…), mais je dois l’avouer, c’était la partie la plus fun de cet essai : en effet, le plus amusant était surtout de voir la surprise des autres automobilistes se retournant sur cette vaillante petite Autolib’ !
Retour en ville, où la voiture est tout de même plus à l’aise que sur l’autoroute. Du fait de la présence d’un système de récupération de l’énergie à la décélération et au freinage, le frein moteur est assez important au lâcher de la pédale, mais on s’habitue vite à devoir décélérer plus tardivement, à l’approche d’un feu rouge par exemple. A tout moment, l’ordinateur de bord sur l’écran central nous indique notre vitesse, le rapport engagé ou d’autres infos utiles comme le niveau de charge de la batterie, ou encore la température extérieure, qui nous rappelle qu’on étouffe dans cette voiture, au soleil et sans climatisation…
Au niveau de l’écran tactile, situé bien trop bas sur la façade centrale (ce qui nous force à quitter la route des yeux), il est possible d’accéder à la radio, à la navigation GPS ou à l’assistance Autolib’ : je n’ai pas eu l’occasion de tester toutes ses fonctions, mais l’écran tactile s’avère assez peu réactif.
Arrivés à destination, après une quarantaine de kilomètres mêlant ville, route et autoroute, l’autonomie restante est d’environ 80%, ce qui est très correct. IKEA propose d’ailleurs, via un partenariat avec Autolib’, des bornes qui permettent de recharger gratuitement la voiture en cas de besoin. Une bonne initiative à saluer, mais malheureusement, le choix de cette Bluecar avec sa banquette arrière fixe n’était pas du tout judicieux pour charger de gros paquets chez IKEA…
De retour à Paris, nous avons parcouru au total 90 km avec la voiture, pour une consommation d’environ 1/3 de la batterie. L’autonomie de 250 km annoncée par Bolloré devrait donc être tout à fait atteignable ! Pour restituer la voiture, il faut tout d’abord localiser une station avec un emplacement libre : il est possible d’utiliser l’écran tactile de la voiture pour le faire, ou bien le site/application mobile d’Autolib’, bien plus rapides. Ensuite, prier pour qu’un autre véhicule ne soit pas sauvagement stationné sur l’emplacement.
La voiture stationnée, il faut ensuite badger la borne de recharge (qui devrait logiquement être éclairée en vert, ou bleue lorsqu’elle a fait l’objet d’une réservation), brancher le câble électrique à la voiture, puis fermer le capot de la borne. Enfin, il vous reste juste à badger la voiture pour la verrouiller et terminer la location (il est toujours possible de l’ouvrir à nouveau en cas d’oubli d’objets personnels à l’intérieur). Si tout va bien, vous devriez recevoir un SMS qui confirme la fin de la location et le montant qui vous sera facturé.
Alors, Autolib’, ça vaut le coup ?
Oui et non ! Je reste en effet assez mitigé sur la question… Tout d’abord, le concept est plutôt intéressant sur le papier : l’avantage d’Autolib’ est de proposer une solution d’appoint pour disposer d’une voiture de location, et surtout, le plus intéressant à mes yeux est de pouvoir la restituer à une station différente de celle du départ, tout en ayant la possibilité de réserver une voiture à la station de départ, et sa place à la station d’arrivée.
Malheureusement, en pratique, cela se corse : outre le choix incompréhensible de cette Bluecar, au design insolent et aux prestations dignes d’une voiture des années 90 (en tant que passionné d’automobile, difficile d’être objectif !), le service Autolib’ est entâché par quelques dysfonctionnements, tels que l’impossibilité de joindre le service clients dans un délai raisonnable, ou encore le manque cruel d’entretien et de propreté des véhicules (qui est aussi dû, il faut le dire, à l’incivisme des autres utilisateurs).
Enfin, le tarif d’Autolib’ est assez onéreux lorsqu’on le compare aux services d’autopartage des loueurs traditionnels, tels que « Hertz 24/7 » ou « Avis on Demand » : si on se base sur la formule d’abonnement d’un an (qui vous coûtera déjà 10€/mois), le tarif horaire d’Autolib’ s’élève à 11 €, et peut s’envoler jusqu’à 18 €/h (pour la formule sans abonnement).
Chez Avis on Demand, il vous en coûtera 6 €/heure en semaine et 8 €/h le week-end (avec un abonnement de 9 €/mois), ou 8 €/h en semaine et 11 €/h le week-end (pour la formule sans abonnement). Chez Hertz 24/7, les tarifs débutent à 8 €/heure. L’avantage de passer par ces loueurs « à la demande » est leur moindre coût, et surtout de disposer d’un vrai véhicule moderne (Smart Fortwo, Opel Corsa, Renault Clio…), mais impose que la voiture soit restituée à l’agence de départ, comme une location classique.
A mon avis, à ce jour Autolib’ est plus judicieux en solution de dépannage et pour de courts trajets à Paris, qu’en solution « durable » pour les déplacements du quotidien. La preuve, les automobilistes possédant déjà un véhicule et abonnés à Autolib’ n’ont pour la plupart pas abandonné leur voiture principale… Toutefois, et malgré que cela reste bien plus cher que les transports en commun, Autolib’ est tout de même plus accessible qu’un taxi !